Madame, Monsieur,
Les personnels du collège des Caillols, 12e arrondissement de Marseille, ont décidé de mener une action d’information et de sensibilisation auprès des parents d’élèves et de l’opinion publique au sujet de l’évolution de leurs conditions de travail qui se dégradent.
En effet, nous venons de recevoir notre Dotation Globale Horaire pour l’année 2010-2011, c'est-à-dire le nombre d’heures dont disposeront les enseignants pour effectuer leur travail. Elle se compose d’heures-poste et d’heures supplémentaires :
- les heures-postes sont les heures que doit passer un enseignant devant ses classes (la majorité des professeurs certifiés passe 18h devant les élèves) ;
- une seule heure supplémentaire peut être légalement imposée à chaque enseignant.
Il s’avère que cette dotation est particulièrement absurde. D’une part, le nombre d’heures-poste est réduit de 37 heures alors qu’une classe de 6e seulement (soit l’équivalent de 25 heures-poste) sera supprimée à la rentrée en raison de la diminution du nombre d’élèves liée à l’évolution démographique. D’autre part, le nombre d’heures supplémentaires est augmenté de 17 heures.
La Dotation Globale Horaire 2010 se compose donc de 809 heures, dont 749 heures-poste et 60 heures supplémentaires.
Or, concrètement, les conséquences sont les suivantes :
- trois postes sont menacés de suppression (alors que 60 heures supplémentaires représentent plus de 3 postes de professeurs certifiés) ;
- huit matières sur les neuf restantes peuvent voir un de leurs enseignants contraint d’effectuer un complément de service dans un ou plusieurs autres établissements du département.
Nous voyons comme seule explication de cette mauvaise DGH le souci de répartir le nombre d’heures supplémentaires excessif, imposé à notre établissement alors qu’il nous manque des heures-poste.
Prenons l’exemple de la physique-chimie : le collège a besoin de 37 heures d’enseignement et actuellement deux enseignantes fournissent 18h chacune ; il n’y a donc qu’une heure supplémentaire à assurer. Mais en 2010, notre établissement devant absorber artificiellement 60 heures supplémentaires toutes matières confondues, l’une de ces deux enseignantes verra son service fractionné en deux ou trois établissements. Elle effectuera donc 15 heures-poste au collège des Caillols et 3 heures-poste dans un ou deux autres établissements. Par cette manipulation calculée, le besoin en heures supplémentaires augmentera artificiellement pour passer à 4 heures. Ces 4 heures supplémentaires devront être assurées par les deux enseignantes du collège, et celle des deux qui complètera son service à l’extérieur pourra très bien se voir imposer d’autres heures supplémentaires dans ce ou ces établissements.
En effet, le fractionnement d'un poste -aux fins de répartir des heures supplémentaires- consiste à déclarer dans un premier temps que l'on n'a besoin que d'une partie de ce poste et que l'on met le complément de service de l'enseignant concerné à disposition d'un ou de plusieurs autres établissements (ce qui se traduit par une baisse de la consommation des heures-poste). Puis dans un deuxième temps, et puisqu'il faut finalement bien assurer les heures de cours dans la discipline, on déclare un besoin d'heures supplémentaires qui seront prises en charge par les enseignants en poste au collège et/ou par un enseignant venu d'un autre collège.
Tout ceci aggrave encore de manière très inquiétante nos conditions de travail :
- En effet, il convient de rappeler à tous qu’un professeur, en plus des 18 heures passées en classe avec les élèves, doit : préparer ses séances des cours, corriger les copies, assurer un suivi individuel, rencontrer les parents d’élèves, gérer les problèmes de discipline… Le ministère lui-même évalue le temps de travail d’un enseignant à un minimum de 40 heures hebdomadaires sur une base de 18 heures de présence devant élèves. Rappelons de plus qu’un enseignant est rémunéré sur une base de 10 mois par an avec un salaire réparti sur 12 mois et qu’un enseignant, considéré comme fonctionnaire de catégorie A (minimum bac+5) et titulaire d’un concours national, débute sa carrière à 125% du SMIC (soit 1450 €).
- Par ailleurs, la diminution des heures-poste nous impose des classes de plus en plus surchargées. Par exemple, à la rentrée 2010, les classes de 4e seront composées de 29 élèves. Sur un temps de cours de 55 minutes, nous avons moins de 2 minutes à consacrer à chaque élève alors qu’on nous impose un suivi de plus en plus individuel (dispenser un savoir, mettre les élèves en activité concrète - manipulation, exercices, méthodologie -, gérer la discipline et la grande hétérogénéité des élèves du collège...)
- De plus, le collège des Caillols a pris sur lui d’accueillir actuellement : une 3e d’Insertion, une SEGPA (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté) pour les élèves en grande difficulté, une UPI (Unité Pédagogique d’Intégration) de déficients intellectuels, des élèves déficients auditifs, un enfant de la Lune (et 5 dans les années à venir), sans compter un nombre conséquent d’élèves bénéficiant d’un temps scolaire adapté en raison de difficultés médicalement reconnues (dyslexie, mutisme, autisme…)
Et cette hétérogénéité implique évidemment un effort supplémentaire de suivi de la part de l’équipe pédagogique sans qu’aucune formation spécifique n’ait été prévue.
- En outre, les professeurs du collège des Caillols ont à cœur de proposer aux élèves motivés des projets d’excellence parmi lesquels la section sportive ‘athlétisme’ la plus performante du département, des classes européennes en espagnol et en italien, la formation de latinistes… Or, ces projets sont menacés par la diminution de la Dotation Horaire : la section sportive perd une heure et le Rectorat refuse de reconnaître officiellement les sections européennes (ce qui implique moins de moyens), tandis qu’un poste d’enseignant de latin est supprimé.
Pour toutes ces raisons, la surcharge de travail induite par les heures supplémentaires imposées décourage peu à peu les enseignants qui, surchargés de missions et non reconnus par l’Instance Académique, risquent de ne plus pouvoir ni vouloir assurer ces différents projets.
Car il faut bien comprendre que les compléments de services, qui dispersent les enseignants sur plusieurs établissements, accentuent indiscutablement les difficultés à s’impliquer dans la vie de l’établissement (suivi des élèves, travail en équipe, projets…).
Tout le personnel enseignant est concerné par le manque de moyens accordés à l’Education Nationale et dont les enfants font les frais puisque, par exemple, le CDI n’est pas ouvert sur tout le temps scolaire et une seule documentaliste assure le suivi de 810 élèves. Le personnel d’encadrement est lui aussi insuffisant : l’infirmerie n’est ouverte que partiellement, puisqu’il n’y a qu’une seule infirmière.
Par ailleurs, le médecin scolaire, l’assistante sociale, la conseillère d’orientation psychologue sont déjà partagés entre plusieurs établissements et continuent malgré tout à assurer un excellent travail de suivi personnalisé des élèves en difficulté, en concertation avec les équipes pédagogiques. C’est bien tout ce travail collectif qui est menacé par la surcharge de travail et la dispersion des collègues.
De même que la gestion administrative de l’ensemble de l’établissement ne repose que sur un poste et demi, ce qui prouve encore une fois le manque de moyens accordés à notre établissement.
Cette situation, qui nous semble très préoccupante, s’insère dans la logique de la politique gouvernementale.
En effet, dans le seul souci de faire des économies et de « réformer » le service public, l’Etat impose le non remplacement d’un départ sur deux à la retraite dans la Fonction Publique d’ici 2012. À la rentrée 2010, il est prévu de supprimer 16 000 postes. À l’échelle de notre collège, cette directive se traduit par la suppression de 3 postes. Le service public se voit imposer des économies tandis qu’on apprend que les banques et d’autres secteurs privés reçoivent des sommes importantes sans contrepartie, pour « atténuer » une crise dont ils ont été reconnus comme responsables.
Peut-on sacrifier un service public fait pour tous au point d’en arriver à des situations aberrantes comme dans l’académie de Créteil qui mettent enfants et adultes en danger ?
Or, la situation ne peut qu’empirer puisque la réforme de la formation des enseignants, qui participe de cet objectif d’économiser des postes, précarise et met en danger nos jeunes collègues débutants : les enseignants stagiaires seront lâchés dans des établissements à temps complet, sans aucun suivi ni formation, tandis que les remplacements ne seront plus assurés par des professeurs remplaçants titulaires, mais par des étudiants en master, à qui on imposera un quota d’heures d’enseignement pour valider leur diplôme. Cela permettra donc à l’Etat de disposer d’un vivier de « remplaçants » corvéables à merci.
Il est donc évident que, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, ces réformes ne profiteront pas aux élèves.
C’est pourquoi, soutenus par les sections syndicales locales (SN-FO-LC, SNES-FSU, SNEP-FSU, SNUIPP-FSU, SUD, SIAES) et les fédérations de parents d’élèves (FCPE et PEEP), nous demandons à être reçus rapidement à l’Inspection Académique et au Rectorat afin d’obtenir satisfaction sur les points suivants :
- refus de toute suppression de poste ;
- refus des compléments de service qui fragilisent les personnels et les enseignements ;
- conversion des heures supplémentaires en heures-poste ;
- réexamen de la typologie du rectorat de notre établissement, en fonction de la diversité des profils d’élèves accueillis, afin de pouvoir disposer de moyens supplémentaires ;
- création d’une classe supplémentaire pour chaque niveau, avec la totalité des moyens nécessaires (heures, postes) pour alléger les effectifs des classes, répondre aux besoins des élèves et permettre aux enseignants de travailler dans des conditions acceptables ;
- création d’un deuxième poste de documentaliste ;
- création d’un nouveau poste d’administratif.
Si nos revendications ne sont pas entendues et satisfaites, nous envisageons des actions de pression diverses et coordonnées.
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